La distanciation sociale, source de maladie

22/03/2021

Quand un enfant arrive au monde, il dépend totalement des personnes de son entourage. Il ne peut ni se nourrir, ni se déplacer. Il doit sa survie aux soins qu'on lui procure. Mais il lui faut bien plus que des aliments, que de simples gestes d'hygiène et de protection.. Pour grandir dans des conditions qui lui permettront de se rapprocher de son potentiel,  il a besoin d'attention, de réconfort, d'encouragement , de limites et d'amour. Bien sûr, l'être humain est capable de surmonter des épreuves inconcevables et possède des ressources extraordinaires. Mais l'existence obéit à des lois que nous ne sommes pas toujours en mesure de comprendre. 

L'état de nouveau-né me fait penser à quel point nous sommes dépendants les uns des autres. La trame de la destinée se fait et se défait, les fils se tissent mystérieusement pour former un gigantesque tableau sur lequel nos histoires s'entremêlent pour dessiner l'histoire de l'humanité.

Voilà pourquoi j'ai la conviction intime que la distanciation sociale représente un immense danger pour l'humanité toute entière. Elle permet peut-être de ralentir la propagation des virus, mais elle crée une autre maladie. On oublie trop souvent que pour avoir une bonne santé globale, il faut que le système immunitaire puisse faire son travail, se défendre, intégrer et transformer ce qui attaque le corps. Se protéger exagérément de tout, c'est affaiblir ses défenses. C'est endormir les forces de guérison. 

Nos souvenirs ne sont-ils pas faits essentiellement d'expériences affectives? De rencontres, agréables ou traumatisantes, d'expériences vécues  avec les autres, grâce aux autres?  La beauté d'une musique jouée par des artistes, l'étonnement devant une oeuvre dans un musée créée aussi par une personne? L'émotion à la lecture d'un poème ou d'un roman écrit par son auteur? 

Hormis la beauté de la nature qui nous est offerte par une force qui dépasse l'humanité, tout se rapporte aux autres. Notre existence dépend entièrement des autres. Et nous devons apprendre à composer avec le reste de l'humanité. A grapiller le meilleur partout où c'est possible. A digérer le pire pour le comprendre, l'assimiler et le transformer. 

Les écrans, la distanciation nous affaiblissent, nous endorment et nous asservissent. On est plongé dans l'illusion de sécurité. Mais en réalité, cette distanciation fait disparaître petit à petit l'humanité en nous. Et si nous perdons notre humanité, nous pouvons bien échapper aux virus, mais notre âme se desséchera, cette détérioration finira par éteindre nos forces de vie.

Avec courage,  battons-nous pour ne pas glisser dans une réalité virtuelle, pour garder nos sens bien éveillés et pour accueillir le futur avec confiance, quoiqu'il arrive... C'est ensemble qu'on y parviendra.

Petits cercles de rencontres, réunions, partages d'idées,  projets artistiques, jardinage, jeux, allons-y avec gratitude, pour que les enfants puissent grandir dans des espaces chaleureux, inspirants et plein de joie. Pour qu'ils aient l'occasion de voir des visages sans masques dans leur entourage, qu'ils n'aient pas peur de sauter dans les bras des adultes, et de se faire cajoler par leurs proches. 

Pour que nous puissions vieillir et mourir avec un sentiment de gratitude en ayant tenté d'accomplir notre destinée d'humain.

Nathalie Héritier